Acheter un fonds de commerce
Un fonds de commerce correspond à l’ensemble des éléments matériels et immatériels utilisés pour exploiter une activité commerciale ou industrielle (clientèle, achalandage, nom commercial, enseigne, droit au bail, brevet, licence, marque, dessins et modèles, etc.). L’achat d’un fonds de commerce est une opération importante dans la vie d’un entrepreneur qu’il est crucial d’appréhender avec le plus grand soin tant elle est complexe et soumise à des formalités particulières, présentées ci-après.
L’achat d’un fonds de commerce
Les éléments achetés du fonds de commerce
Lors de la vente du fonds de commerce, l’acquéreur (dit cessionnaire) achète tous les éléments, autant corporels qu’incorporels, le composant. Ainsi, pour l’acheteur, il est important qu’il achète un fonds de commerce adapté à la nature de sa future activité.
D’une part, il y aura les éléments incorporels comme la clientèle, le droit au bail, l’enseigne, les dessins et modèles, les brevets, les licences, les marques et le nom de domaine.
D’autre part, il y aura tous les éléments corporels, c’est-à-dire les biens matériels : marchandises, mobilier, outillage, machine et matériel nécessaire à l’exploitation de l’activité.
Le vendeur et l’acquéreur devront réaliser un inventaire détaillé et estimatif de leur valeur afin de déterminer les biens qui feront partie de la vente. À ce titre, un formulaire Cerfa existe (formulaire Cerfa 11275*05) et devra être déposé en 3 exemplaires lors des formalités d’enregistrement ci-après détaillées.
À noter qu’il est possible d’acheter un droit au bail de façon isolée. La vente du bail commercial et l’achat d’un bail commercial faisant l’objet de notes distinctes, ils ne seront pas traités ici.
À l’inverse, l’acheteur ne se verra pas transmettre un certain nombre d’éléments, que sont :
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les contrats en cours (sauf s’il en a été convenu autrement, les contrats en cours ne sont pas transmis au cessionnaire. Seuls le droit au bail, les contrats de travail et le contrat d’assurance seront cédés automatiquement avec le fonds) ;
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les documents comptables et les livres de commerce ;
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les créances et dettes ;
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les immeubles ;
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les droits de terrasses qui devront faire l’objet d’une nouvelle autorisation d’occupation.
La négociation de l’achat du fonds de commerce
Afin d’arriver à un accord sur les conditions de la cession du fonds de commerce, les parties vont négocier. Au nom de la liberté contractuelle, chaque partie est libre de contracter ou de ne pas contracter, mais plus encore, elle est libre de rompre les pourparlers quand elle l’entend, sous réserve de satisfaire aux exigences de la bonne foi. Pour plus de précision sur les pourparlers, une note a été spécifiquement consacrée aux conditions exigées de la rupture des pourparlers pour qu’elle ne soit pas considérée comme fautive.
Toutefois, afin d’encadrer et de sécuriser les négociations qui peuvent être complexes, il peut être utile de recourir à des « avant-contrats » : lettre d’intention ou LOI, contrat de pourparlers, contrat de négociation, etc. Il sera utile de prévoir dans ces contrats un certain nombre de choses : durée des négociations, charge financière d’éventuels frais (expertise du bien, estimation, etc.) et accord de confidentialité ou d’exclusivité.
Plus concrètement, dans le cadre de la négociation, afin que l’acheteur achète au bon prix, il va falloir déterminer la valeur du fonds de commerce et ce n’est pas chose aisée.
Pour cela, il est conseillé à l’acheteur de recourir à plusieurs techniques lui permettant d’estimer au mieux la valeur du bien qu’il achète :
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La technique des barèmes : cela va consister en la multiplication du chiffre d’affaires par un coefficient défini par secteur tel que mentionné dans plusieurs barèmes publiés ;
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L’application du coefficient à la moyenne des excédents brut d’exploitation ou du résultat net des derniers exercices pour avoir une estimation plus proche de la rentabilité du fonds ;
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La comparaison avec d’autres fonds similaires en vente sur le marché ;
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La détermination de l’actif de l’entreprise en valorisant tous les éléments du fonds comme les machines, le montant du loyer du bail commercial, les stocks, les brevets, etc. (cela est parfois très complexe, notamment pour les biens incorporels).
Afin d’arriver à une estimation au plus près de la valeur réelle, il est conseillé de recourir à plusieurs de ces techniques et de prendre le résultat moyen.
Il est également conseillé à l’acheteur de porter une attention toute particulière au bail commercial et notamment au montant du loyer et à la localisation du local (concurrence environnante, accessibilité et fréquentation), qui figurent parmi les éléments cruciaux pour la suite de son activité économique.
Si les parties sont d’accord sur la chose, ici le fonds de commerce, et le prix de vente, il faudra procéder à la rédaction d’un compromis de vente (ou promesse de vente) avec d’éventuelles conditions suspensives.
En effet, il est conseillé à l’acheteur lorsqu’il consent à un compromis de vente de se protéger au mieux. En ce sens, il conviendra qu’il conditionne la réalisation de la transaction à l’accord de son banquier quant à la délivrance d’un crédit. De même, il peut conditionner celle-ci à la bonne réalisation, par l’acheteur, de toutes les formalités légales ci-dessous détaillées (déclaration préalable à la marie, information des salariés).
À ce titre, il est possible d’inclure une clause prévoyant qu’en cas d’échec de la vente du fait du vendeur, qui n’aurait pas réalisé les formalités dont il est astreint, une indemnité forfaitaire sera versée à l’acquéreur (clause pénale).
À ce stade, le vendeur pourra également exiger qu’une indemnité d’immobilisation, censée sécuriser la transaction, lui soit versée. L’acheteur devra alors être attentif aux conditions dans lesquelles l’indemnité sera restituée ou non en cas d’échec de la vente, afin de préserver au mieux ses intérêts.
Les conditions de validité de la cession du fonds de commerce
Tout d’abord, les parties doivent avoir la capacité de contracter (majeur, non atteint d’incapacité) et leur consentement doit être exempt de vice (erreur, dol et violence).
De plus, l’acheteur devra vérifier que le cédant a bien le pouvoir de procéder à la cession et à la signature de l'acte : il s’agira du propriétaire du fonds ou d’un tiers qui aura reçu le pouvoir. De même, lorsque le cédant est marié, il faudra le consentement des deux époux si le fonds est un bien commun.
En effet, à défaut d’une de ces conditions, la vente pourra être annulée.
Les mentions obligatoires de l’acte de vente du fonds de commerce
L’acte de cession du fonds de commerce cédé peut aussi bien être un acte notarié, qu’un acte sous seing privé.
Avant la loi du 19 juillet 2019, le Code de commerce prévoyait que l’acte de cession du fonds de commerce devait mentionner obligatoirement et à peine de nullité : le prix de cession, la provenance du fonds (identité du prédécesseur du vendeur et date et prix de la cession précédente), l’état des privilèges et des nantissements du fonds, le chiffre d’affaires et le résultat d’exploitation des 3 derniers exercices et les éléments d’information du bail commercial (durée du bail, identité du bailleur, etc.).
Depuis la Loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019 (art. 1er) dite « de simplification, de clarification et d'actualisation du droit des sociétés », cette exigence a été supprimée. Il n’y a donc plus aucune mention qui doit obligatoirement figurer dans l’acte de cession.
Toutefois, même si ces mentions ne sont plus obligatoires, il sera conseillé, et l’acheteur pourra le demander, de préciser toutes les conditions dont les parties souhaitent apporter une place particulière si cela n’a pas été déjà le cas lors de la promesse de vente (prix ; modalité de paiement ; reprise des contrats ; clause résolutoire ; clause de non-concurrence).
Une fois que les parties se seront mises d’accord sur les conditions de la vente, certaines formalités seront à réaliser.
Les formalités d’achat du fonds de commerce
Les obligations du vendeur
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L’information des salariés
Tout d’abord, le vendeur doit obligatoirement informer, sous certaines conditions, les salariés de l’entreprise afin qu’ils puissent proposer une offre de rachat du fonds. Ceux-ci disposeront d’un délai de deux mois à compter de l’information qui leur a été faite pour formuler cette offre, délai pendant lequel la vente ne peut donc intervenir (sauf à ce que chacun ait indiqué qu’il ne formulerait pas d’offre).
Cette obligation s’appliquera aux entreprises qui comptent moins de 250 salariés.
Il est conseillé à l’acquéreur de s’assurer que cette information a été réalisée, car si ce n’est pas le cas, les salariés pourront saisir le juge qui pourra leur allouer des dommages-intérêts de la part du vendeur et de l’acheteur si un préjudice a été causé par sa faute. De même, l’acheteur pourra être condamné à une amende d’un montant maximal correspondant à 2% du prix de cession.
À noter enfin que, ne sont pas concernés par cette obligation :
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les fonds artisanal, libéral et rural ;
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les cessions faites à un époux, un partenaire de pacs, un ascendant ou un descendant ;
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les transmissions par succession ;
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lorsque l’entreprise fait l’objet d’une procédure collective.
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La déclaration en mairie
Dès lors que le fonds de commerce est situé dans une zone de « sauvegarde des commerces et de l’artisanat de proximité », la marie dispose d’un droit de préemption sur l’achat du fonds dans le but de le rétrocéder à un commerçant ou un artisan.
À cet fin, le cédant devra réaliser une déclaration préalable auprès de la marie avec les informations suivantes : prix, activité du repreneur, nombre de salariés et dernier chiffre d’affaires. La mairie disposera alors d’un délai de deux mois pour se positionner.
Si cette déclaration n’est pas faite, la vente pourra être annulée (prescription 5 ans à compter de la cession). Ainsi, l’acquéreur doit également s’assurer que cette déclaration a été réalisée.
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Les obligations fiscales
Le cédant est tenu d’un certain nombre d’obligations fiscales (clôture des comptes et imposition immédiate sur le bénéfice, imposition sur la plus-value, contribution économique territoriale).
L’acquéreur peut être tenu solidairement responsable du règlement de l’imposition du cédant au titre des bénéfices réalisés pendant l’exercice au cours duquel l’achat est intervenu (dite « solidarité fiscale »).
Les obligations de l’acquéreur
En plus du paiement du prix d’achat au vendeur, l’acheteur doit respecter un certain nombre de formalités légales.
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L’immatriculation de l’entreprise
Tout d’abord, l’acquéreur devra immatriculer son entreprise au registre du commerce et des sociétés (RCS) en se rapprochant du centre de formalité des entreprises (CFE) ou du greffe du tribunal de commerce compétent afin de signaler valablement l’acquisition du fonds de commerce.
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L’enregistrement de l’acte de cession
L’acquéreur du fonds de commerce devra enregistrer l’acte de cession du fonds de commerce auprès du bureau d’enregistrement du service des impôts des entreprises (SIE). Lors de cet enregistrement, il devra également déposer le formulaire concernant l’état détaillé des biens matériels vendu avec le fonds ainsi que le formulaire de mutation du fonds de commerce.
Il devra également procéder au paiement des droits d’enregistrement afférents qui seront calculés en fonction de la fraction du prix de vente (0% de la fraction inférieure à 23.000 €, 3% de la fraction comprise entre 23.000 € et 200.000 € et 5% de la fraction supérieure à 200.000 €).
À noter qu’un abattement de 300.000 € sur le prix de cession pourra être appliqué si le repreneur est un ancien salarié titulaire d’un CDI depuis au moins deux ans ou s’il est un proche du cédant (conjoint, partenaire de pacs, ascendant, descendant). De même, si le fonds est situé dans une zone « franche urbaine-territoire entrepreneur » (ZFU-TE) ou une zone « de revitalisation rurale » (ZRR), le taux pour la fraction située entre 23.000 € et 107.000 € sera réduit de 3% à 1%. Dans les deux cas, le repreneur doit s’engager à maintenir l’exploitation du fonds de commerce pendant au moins 5 ans.
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Les formalités de publicité
Par ailleurs, afin de rendre l’achat opposable aux tiers, l’acquéreur devra réaliser des formalités de publicité. D’une part, il faudra publier une annonce auprès d’un journal d’annonces légales (JAL) dans les 15 jours de la vente.
D’autre part, il faudra informer le greffe du tribunal de commerce de la vente dans les 3 jours suivant la publication de l’annonce au JAL afin qu’il publie un avis au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC). À ce titre, les créanciers du cédant pourront exercer leur droit d’opposition au paiement du prix de vente entre ses mains dans un délai de 10 jours.
Le séquestre
L’acheteur peut, pour assurer la période de solidarité fiscale, mandater un séquestre afin de retenir les sommes versées au vendeur entre les mains d’un séquestre pendant un délai minimum de 105 jours à partir de la date de vente. Souvent, ce séquestre sera réalisé auprès d’un avocat ou d’un notaire.
Ce séquestre est un mécanisme de protection de l’acheteur en ce qu’il permet de retenir les sommes payées au titre de l’achat du fonds de commerce tant que les formalités obligatoires dont est astreint le cédant doivent été réalisées.
Ce séquestre sera d’autant plus efficace lorsqu’il aura été prévu dans le compromis de vente ou dans l’acte de cession qu’à défaut de la réalisation par le cédant de ses obligations, la vente sera résolue de plein droit. Dès lors, le séquestre permettra à l’acheteur d’être sûr de récupérer les sommes versées.
Toutefois, il est à noter que ce séquestre permet également de recevoir les oppositions éventuelles formulées par les créanciers du vendeur.
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Le Cabinet DAVIDOVA AVOCAT, intervenant en droit des affaires, accompagne les dirigeants d'entreprises et les entrepreneurs sur tous les aspects ayant trait à leur activité et au développement de leur entreprise ou société. Le Cabinet DAVIDOVA AVOCAT accompagne ainsi le chef d’entreprise qui souhaite vendre ou acheter un fonds de commerce au stade de la négociation, mais également de la réalisation de la cession avec toute la documentation juridique obligatoire.