Fin de l’état d’urgence sanitaire et paiement des factures impayées
Comment les entreprises peuvent-elles augmenter leurs chances de paiement de leurs factures impayées, à l’aune de la sortie de l’état d’urgence sanitaire ?
Votée le 27 mai 2021, la sortie de l’état d’urgence sanitaire a pris effet le 1er juin. S’est alors ouverte une période transitoire qui s’étend à ce jour du 2 juin au 30 septembre 2021. La levée progressive des mesures d’urgence et la promesse d’un retour à une situation plus normale posent alors de nouveau la question du recouvrement des factures impayées.
Les mesures conservatoires, comme la saisie conservatoire des comptes bancaires du débiteur, peuvent permettre au créancier d’obtenir le paiement d’une facture impayée via une procédure judiciaire simple, rapide et peu coûteuse.
Conséquences de l’état d’urgence sanitaire sur le recouvrement des factures subissant des retards de paiement
Les bouleversements économiques dus à la crise du Covid 19 ont provoqué un allongement des délais de paiement entre entreprises et une augmentation du nombre de factures impayées. Un cabinet d’audit reconnu relevait ainsi à la fin de l’année dernière que, fin septembre 2020, 53% des factures étaient en retard de paiement en France.
La fin de l’état d’urgence sanitaire et la levée des mesures exceptionnelles risquent d’augmenter les besoins en fonds de roulement des entreprises et de retarder encore plus le paiement de certaines factures. Le droit commun semble alors pouvoir porter secours aux créanciers par l’intermédiaire des mesures conservatoires.
Quelles sont les mesures conservatoires permettant de recouvrer efficacement des factures impayées
Les mesures conservatoires, prévues par le Livre V du Code des procédures civiles d’exécution, permettent à une personne qui se prétend créancier de se prémunir contre la dissimulation ou la dissipation des biens de son débiteur.
L’idée est simple : pour éviter de se heurter à l’insolvabilité du débiteur, le créancier demande une saisie-conservatoire sur ses biens ou la constitution d’une sûreté judiciaire.
Si la sûreté judiciaire permet au créancier d’obtenir un droit de préférence et l’assurance d’être payé avant la plupart des autres créanciers de son débiteur, la saisie-conservatoire apparait comme la solution la plus à même d’inciter le débiteur à payer par priorité celui qui l’a initiée.
La saisie conservatoire permet en effet de frapper d’indisponibilité un bien corporel ou incorporel appartenant au débiteur afin qu’il soit conservé et qu’il puisse servir au paiement d’une facture du créancier. Autrement dit, le créancier impayé paralyse une partie du patrimoine de son débiteur.
En principe, une telle saisie conservatoire a vocation à se transformer en saisie attribution. Le bien saisi dans le patrimoine du débiteur est ainsi destiné à être attribué au créancier afin d’emporter paiement de sa créance.
Mais la saisie conservatoire a également un effet incitatif, surtout lorsqu’elle est pratiquée sur les comptes bancaires du débiteur. En effet, selon l’article L.162-1 du Code des procédures civiles d’exécution, la saisie conservatoire du compte bancaire emporte indisponibilité de la totalité des sommes présentes sur le compte pendant une période d’au moins quinze jours.
On comprend alors la pression engendrée par une telle mesure conservatoire pour le débiteur saisi. Afin de retrouver l’usage de ses comptes le plus rapidement possible, le débiteur est incité à payer la créance litigieuse, ce qui entraine la levée de la saisie conservatoire.
Les mesures conservatoires apparaissent donc bien comme des outils précieux au service des créanciers impayés en cette période de crise sanitaire. L’activité reprenant et de nombreuses échéances approchant, les débiteurs ne peuvent se permettre de perdre le contrôle de leurs comptes bancaires, ne serait-ce que pour quinze jours.
Comment mettre en œuvre les mesures conservatoires afin d’obtenir le paiement de créances impayées
La mise en œuvre d’une telle mesure conservatoire nécessite la réunion de plusieurs conditions, énumérées aux articles L.511-1 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution.
Elle doit tout d’abord en principe être autorisée par le président du tribunal judiciaire, juge de l’exécution. Par exception, lorsque la créance relève de la compétence du tribunal de commerce, l’autorisation devra être accordée par le président du tribunal de commerce compétent.
Dans le second cas il est conseillé d’avoir recours à un avocat intervenant spécifiquement devant le tribunal de commerce (voir aussi : avocat et tribunal de commerce) puisque la procédure devant le tribunal de commerce peut être spécifique.
A ce titre, il convient également de vérifier les modalités de représentation par avocat devant le tribunal de commerce.
Toutefois, cette autorisation judiciaire est inutile dans trois hypothèses : tout d’abord lorsque le créancier est déjà titulaire d’un titre exécutoire (décision de justice exécutoire comme un jugement ou un arrêt, acte notarié, protêt, etc…), ensuite lorsqu’il détient une décision de justice qui n’a pas encore autorité de chose jugée mais qui a déjà force exécutoire et enfin lorsqu’il invoque le défaut de paiement d’une lettre de change acceptée, d’un billet à ordre, d’un chèque ou d’un loyer resté impayé.
Dans ces cas, il est possible d’avoir recours directement à un huissier de justice qui met en œuvre des mesures d’exécution.
Les conditions de mise en œuvre des mesures conservatoires permettant d’obtenir le paiement de ses créances non payées
La créance litigieuse doit satisfaire trois critères. En premier lieu, la créance doit porter sur une somme d’argent.
La créance doit ensuite être fondée en son principe. Selon une jurisprudence bien établie, le créancier doit simplement prouver que sa créance est en apparence valable et non pas qu’elle est certaine, liquide et exigible.
Enfin, la créance alléguée doit être menacée dans son recouvrement. C’est peut-être là l’obstacle principal à la mise en œuvre d’une mesure conservatoire.
En effet, selon la Cour de cassation, le simple refus du débiteur de payer est insuffisant. Le créancier qui invoque la mesure doit prouver que le recouvrement de sa créance est véritablement en péril, notamment du fait du risque d’insolvabilité du débiteur.
La grande fragilisation des entreprises du fait de la crise sanitaire devrait cependant faciliter la démonstration de cette condition. Les entreprises ayant accumulé les retards de paiement ces derniers mois, les risques d’insolvabilité sont effectivement accrus.
Attention, une telle mesure ne peut pas être mise en œuvre à l’égard d’un débiteur placé en procédure collective, celui-ci bénéficiant de la règle de suspension des poursuites.
Le créancier pourra cependant, dans ce cas, envisager de solliciter une mesure conservatoire à l’encontre des cautions, coobligés ou garants personnes physiques de son débiteur en difficulté.
Les mesures conservatoires, et plus particulièrement la saisie conservatoire des comptes bancaires, apparaissent alors comme des outils efficaces à la disposition des créanciers qui se préparent, en cette période de sortie de crise sanitaire, à entrer dans une course au recouvrement des factures impayées.
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