- DAVIDOVA AVOCAT
La garantie d'éviction due par le vendeur à l'acheteur
Qu'est-ce que la garantie d’éviction due par le vendeur à l’acheteur ? Dans le cadre des contrats de vente passés avec un acheteur, le vendeur est débiteur d’une obligation de garantie d’éviction. En effet, entre autres obligations (obligation d’information, obligation de délivrance conforme et garantie contre les vices cachés), le vendeur doit garantir l’acheteur contre son éviction, que ce soit pour un trouble de fait ou de droit.
Pour une synthèse des différentes obligations du vendeur, la note spécifique suivante peut être consultée : les obligations du vendeur.
L’origine de la garantie d’éviction due par le vendeur : les textes applicables
Le Code civil prévoit des dispositions particulières concernant le contrat de vente (aux côtés des dispositions générales applicables à tous les contrats). Il s’agit des dispositions 1582 à 1701 du Code civil (Livre III, Titre VI : De la vente).
A ce titre, l’article 1603 du Code civil met à la charge du vendeur deux obligations principales : l’obligation de délivrance et l’obligation de garantie. L’obligation de délivrance du vendeur fait l’objet d’une note séparée qu’il est possible de consulter pour plus de précisions.
Par ailleurs, l’obligation de garantie emporte elle-même deux obligations : la garantie des vices cachés qui fait l’objet d’une note séparée et la garantie d’éviction.
La garantie d’éviction constitue le prolongement de l’obligation pour le vendeur de délivrer la chose vendue.
Il est précisé que cette garantie est d’ordre public : elle existe par principe dans tous les contrats de vente, même en l’absence d’une stipulation expresse et surtout, elle ne peut être écartée (sauf conditions ci-dessous).
Attention cependant à une exception en droit des sociétés. En effet, en cas de vente de parts d’une société civile immobilière (SCI), le vendeur garantit seulement l’existence de la créance et n’est pas tenu de la garantie d’éviction.
L’objet de la garantie d’éviction due par le vendeur
La garantie d’éviction contre le fait personnel du vendeur
Tout d’abord, le vendeur s’engage à ne pas porter personnellement atteinte au droit de propriété transmis à l’acheteur.
Cette garantie est d’ordre public et perpétuelle.
Dès lors, aucune stipulation du contrat de vente ne peut restreindre ou exclure la garantie d’éviction du fait personnel du vendeur.
Par ailleurs, l’acheteur peut à tout moment opposer cette garantie à son vendeur, sans que l’écoulement du temps ne puisse y faire échec : il n’y a pas de prescription.
Si aucune clause du contrat ne peut ni réduire ni exclure la garantie d’éviction du fait personnel du vendeur, il est toutefois possible d’en étendre le champ. C’est notamment le cas lorsque le contrat de vente stipule une clause de non-concurrence à la charge du vendeur.
Le vendeur garantit tout d’abord personnellement l’acheteur contre les troubles de fait.
Il y a trouble de fait lorsque le comportement du vendeur limite la propriété ou la possession de l’acheteur sur la chose vendue. Il y a par exemple trouble de fait lorsque le vendeur d’un fonds de commerce se réinstalle à proximité du fonds vendu et en détourne la clientèle.
Pour plus de précisions sur l’achat et la vente d’un fonds de commerce, il est possible de consulter des notes qui y sont spécifiquement consacrées : acheter un fonds de commerce et vendre un fonds de commerce.
Le vendeur garantit également personnellement l’acheteur contre les troubles de droit.
Il y a trouble de droit lorsque le vendeur porte atteinte à la propriété de l’acheteur en se fondant sur un droit. Par exemple, il peut s’agir du cas où le vendeur vend une seconde fois un immeuble dont la première vente n’a pas été publiée.
La garantie d’éviction contre le fait d’un tiers
En plus de s’abstenir de porter personnellement atteinte au droit de propriété de l’acheteur, le vendeur s’engage à protéger l’acheteur contre les tiers qui porteraient atteinte à sa propriété. Avant la vente, le vendeur est alors tenu d’informer l’acheteur de toutes les charges réelles ou personnelles qui affectent le bien vendu.
La garantie d’éviction du fait des tiers ne concerne toutefois que les troubles de droit. La garantie d’éviction du vendeur pourra ainsi être engagée par l’acheteur si un tiers engage une action en justice pour faire valoir un droit sur la chose vendue.
L’éviction est caractérisée dès lors que la réclamation du tiers porte atteinte au droit de l’acheteur sur la chose vendue. Le vendeur garantit donc l’acheteur contre l’éviction aussi bien totale que partielle. Simplement, le droit invoqué par le tiers sur la chose doit être antérieur à la vente.
La mise en œuvre de la garantie d’éviction due par le vendeur à l’acheteur
Les hypothèses de mise en œuvre de la garantie d’éviction par l’acheteur
Lorsque l’acheteur est victime d’un trouble de droit de la part du vendeur ou de ses ayants cause universels, on dit qu’il peut opposer une exception de garantie à l’auteur du trouble.
Lorsqu’il est victime d’un trouble de fait de la part du vendeur ou de ses ayants cause universels ou d’un trouble de droit de la part d’un tiers, on dit qu’il pourra au contraire agir en garantie.
1. L’exception de garantie opposée au vendeur par l’acheteur
Lorsque le vendeur ou ses ayants cause universels (héritiers, conjoints mariés en communauté…) intentent une action en justice contre l’acheteur, celui-ci peut leur opposer la garantie d’éviction. Il s’agit alors d’une fin de non-recevoir qui va paralyser l’action du vendeur ou de son ayant cause universel à l’encontre de l’acheteur.
Cette exception est perpétuelle et peut à tout moment être opposée au vendeur par l’acheteur, peu importe l’écoulement du temps depuis la conclusion du contrat de vente.
2. L’action en garantie intentée par l’acheteur contre le vendeur
L’action en garantie de l’acheteur contre le vendeur peut avoir trois objectifs.
● Faire cesser les atteintes du vendeur :
Elle peut tout d’abord viser à faire cesser les atteintes que le comportement du vendeur porte au droit de propriété de l’acheteur. L’acheteur dispose alors de plusieurs moyens d’action.
Il peut demander réparation du préjudice causé par le comportement du vendeur et le paiement de dommages et intérêts. Il peut également réclamer, au besoin par voie d’astreinte, la cessation des agissements du vendeur qui portent atteinte à son droit de propriété.
Il peut enfin faire déclarer inopposables à son égard certains actes juridiques accomplis par le vendeur en violation de la garantie d’éviction.
● L’intervention forcée du vendeur lors d’une action en justice :
L’action en garantie peut ensuite permettre de contraindre le vendeur à défendre l’acheteur contre les prétentions d’un tiers sur la chose vendue dans le cadre d’une action en justice.
Dans ce cas, l’acheteur est engagé dans une action en justice avec un tiers qui se prévaut d’un droit sur le bien vendu. L’acheteur peut alors agir en garantie incidente : il appelle son vendeur à la cause.
Le vendeur peut aussi intervenir spontanément à l’instance.
En pratique, lorsque c’est possible, l’acheteur doit impérativement agir par la voie incidente et mettre en cause le vendeur dans le cadre du litige : c’est l’assignation en intervention forcée.
En effet, si l’acheteur ne le fait pas, il perd le bénéfice de la garantie d’éviction puisqu’il s’est laissé condamner et le tribunal a rendu un jugement ayant acquis force de chose jugée sans appeler le vendeur qui n’a alors pu présenter ses moyens de défense.
Autrement dit, l’acheteur qui s’est mal défendu contre le tiers sans appeler son vendeur en garantie ne peut plus agir en réparation contre lui.
● L’indemnisation de l’acheteur par le vendeur :
L’action en garantie d’éviction peut enfin viser à réclamer au vendeur une indemnisation pour le préjudice subi par l’acheteur à la suite de l’éviction.
Dans ce cas, l’éviction s’est déjà réalisée et il n’est plus possible de la faire cesser. L’acheteur agit alors contre son vendeur pour obtenir le paiement d’une somme d’argent pour réparer le préjudice que lui a causé l’éviction.
Cette action en réparation se prescrit alors par cinq ans à compter du jour de l’éviction et donc du dommage.
Les sanctions que le vendeur encourt en cas d’éviction de l’acheteur
1. La sanction prévue en cas d’éviction totale de l’acheteur
Lorsque l’éviction est totale, le fait du vendeur ou du tiers empêche l’acheteur d’exercer tout droit de propriété sur la chose vendue. Il ne peut donc tirer aucun bénéfice de la vente.
Le contrat de vente est par conséquent résolu : il disparait pour le passé et pour l’avenir et tout se passe comme s’il n’avait jamais existé.
Dès lors, l’acheteur a droit à la restitution de l’intégralité du prix de vente qu’il a payé. Il est à noter que la restitution du prix est due même en cas de mauvaise foi de l’acheteur, c’est-à-dire lorsqu’il connaissait, au moment de la vente, le risque d’éviction.
Par ailleurs, la diminution de la valeur de la chose entre la vente et la restitution n’influe pas sur l’obligation du vendeur de rembourser à l’acheteur l’intégralité du prix payé lors de la vente.
Enfin, l’acheteur de bonne foi peut également demander la réparation du dommage que lui a causé l’éviction totale, c’est-à-dire l’inexécution et la résolution de la vente.
Il s’agit de replacer l’acheteur dans la situation qui aurait été la sienne si le contrat de vente n’avait jamais été conclu (remboursement des frais judiciaires, des frais du contrat…). Cette réparation prend le plus souvent la forme d’une somme d’argent versée au titre de dommages et intérêts.
2. La sanction prévue en cas d’éviction partielle de l’acheteur
En cas d’éviction partielle, l’acheteur est privé d’une partie seulement de son droit de propriété.
Dans ce second cas, il ne pourra demander la résolution du contrat de vente que s’il prouve que la partie de la chose dont il a été privé par l’éviction était d’une importance telle qu’il n’aurait pas conclu la vente s’il avant eu connaissance de l’éviction.
Si l’acheteur n’arrive pas à démontrer cette condition, le contrat de vente est maintenu et l’acheteur conserve la fraction de la chose dont il n’a pas été évincé.
Il peut tout de même demander le remboursement d’une partie du prix ainsi que le versement d’une somme d’argent au titre des dommages et intérêts en démontrant un préjudice distinct.
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